

L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) est une initiative visant la promotion d’une gouvernance ouverte et redevable des ressources pétrolières, gazières et minérales. Elle est guidée par la conviction que les ressources naturelles d’un pays appartiennent à ses citoyens et elle a élaboré une norme visant à promouvoir la gestion ouverte et responsable des ressources pétrolières, gazières et minières. La Norme ITIE exige des pays qu’ils publient des informations sur la chaîne de valeur extractive, de l’octroi des droits d’extraction aux revenus du gouvernement et à la façon dont ces revenus bénéficient à la population. L’ITIE cherche ainsi à renforcer la gouvernance publique et des entreprises, à promouvoir une bonne compréhension de la gestion des ressources naturelles et à fournir des données pour informer et mener des réformes permettant d’endiguer la corruption et aller vers une gestion plus responsable du secteur extractif.
Parmi les informations que la Norme ITIE exige de publier, il y a les contenus des contrats miniers qui lient les gouvernements hôtes des Industries extractives aux entreprises minières.
Jusqu’en juin 2019, la norme ITIE stipulait que ‘Les pays mettant en œuvre l’ITIE sont encouragés à divulguer publiquement tous les contrats et licences qui fixent les conditions d’exploitation de pétrole, de gaz et de minéraux’ mais exigeait que ‘Le Rapport ITIE documente la politique du gouvernement en matière de divulgation des contrats et licences fixant les conditions de prospection ou d’exploitation de pétrole, de gaz ou de minéraux. Cela devra inclure les dispositions légales pertinentes, les pratiques concrètes de divulgation et les réformes planifiées ou en cours. Le cas échéant, le Rapport ITIE devrait donner un aperçu des contrats et des licences disponibles et mentionner l’endroit où ils sont publiés (ou un lien vers celui-ci).’ Cette posture de la norme en ce qui concerne la publication des contrats laissait une large possibilité aux pays de ne pas du tout divulguer ou de contourner la mise en œuvre de cette exigence. La Cameroun sur cette question a eu jusqu’ici une attitude assez ambiguë. Elle est traduite dans les différents rapports ITIE notamment ceux de 2014, 2015 et 2016. Le gouvernement du Cameroun n’a pas encore divulgué de contrat Cameroun du moins pas de manière officielle trouvant toute sorte de prétexte pour ne pas le faire. Les représentants du gouvernement au sein du GMP du Cameroun estiment que la publication des contrats réduirait la marge de manœuvre du gouvernement dans les futures négociations contractuelles avec de nouveaux investisseurs. La politique du gouvernement en ce qui concerne la divulgation des contrats est restée assez floue et les possibilités d’accéder aux contrats miniers quasi impossibles par le public.
Les contrats pétroliers ne sont pas du domaine du public à cause de la clause de confidentialité qui frappe ceux-ci. En effet, l’article 105 du Décret n° 2000/465 du 30 juin 2000 fixant les modalités d’application de la loi n° 99/013 du 22 décembre 1999 portant Code Pétrolier prévoit que “Le Ministre chargé des hydrocarbures préserve la confidentialité de tous documents, rapports, relevés, plans, données, échantillons et autres informations soumis par le Titulaire en vertu du Code, de ses décrets d’application et du Contrat Pétrolier. Ces informations ne peuvent être divulguées à un tiers par l’Administration avant le rendu du périmètre sur lequel elles portent ou, en l’absence de rendu, avant la fin des Opérations Pétrolières. Si ces documents, rapports, relevés, plans, données, échantillons et autres informations visés à l’alinéa précédent sont couverts par une obligation de confidentialité figurant au Contrat Pétrolier, l’Etat, les établissements et organismes publics sont tenus de se conformer à cette obligation”.
La SNH publie sur son site web des modèles de contrats types depuis la promulgation du Code Pétrolier en 1999. Malheureusement, un contrat type n’est qu’en modèle et ne restitue pas la quintessence des accords spécifiques qui obligent les parties contractantes.
Pour ce qui est des contrats sur l’exploitation des minéraux, l’octroi d’un titre minier est subordonné à la signature d’une convention minière entre le titulaire du permis d’exploitation et l’Etat. Le Code Minier ne prévoit pas de dispositions claires traitant la publication des contrats et ne prévoit pas de dispositions contraignantes en matière de confidentialité des conventions minières.
La convention signée prend la forme d’un décret publié dans le Journal Officiel du Cameroun. Le décret ne contient toutefois que des informations limitées dont notamment la date de signature de la convention, les coordonnées géographiques et la durée de validité de la concession.
Dans la pratique, les conventions minières ne sont pas publiées par le MINMIDT. Toutefois, certains contrats sont disponibles sur les sites web de certaines compagnies minières telles que les conventions avec la société Geovic et la société C&K Mining.
Le Cameroun a entrepris cependant en 2018 des actions pour améliorer la transparence des contrats avec notamment l’adoption en 2018 de la loi n°2018/011 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques qui prévoit notamment :
- l’obligation de rendre public les contrats entre l’administration et les entreprises publiques et privées notamment les entreprises d’exploitation de ressources naturelles ;
- et la soumission des contrats miniers et pétroliers au contrôle régulier de la juridiction des comptes et des commissions parlementaires compétentes.
La politique du gouvernement a été clarifiée avec l’article 6 de la loi n°2018/011 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun qui marque l’engagement du Gouvernement à publier les contrats. Les textes d’application de cette loi sont attendus depuis plus d’un an. Nous craignons une fois de plus que cela soit une manouvre de diversion au moment où l’ITIE vient de renforcer l’exigence 2.4 relative à divulgation des contrats et licences en demandant que :
- Tous les pays mettant en œuvre l’ITIE divulgue à compter du 1er janvier 2021, de tous les contrats et licences qui sont octroyés, conclus ou modifiés.
- Le groupe multipartite valide et de publie un plan de divulgation des contrats qui précisera les délais de mise en œuvre et définira les mesures à prendre pour surmonter les obstacles pouvant limiter cette divulgation.
- le gouvernement documente sa politique en matière de divulgation des contrats et licences fixant les conditions d’exploration et d’exploitation de pétrole, de gaz ou de minéraux.
Nous constatons que bien qu’ayant souscrit à l’obligation de divulgation en adhérant à l’ITIE, la Cameroun n’a pas encore officiellement publié des contrats pétrolier, gazier ou minier. Nous espérons que le pays pourra traduire dans les faits les clauses de la loi n°2018/011 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun.
Par Christian ANANGUE/Lebrun AMBOMO(RELUFA)